D'un pays à l'autre, les racontars d'un écrivain amateur...

lundi 16 mars 2009

De la mer aux montagnes...

La dernière semaine à Ikumi s’est déroulée aussi bien que les trois précédentes. Nobuko a continué à s’occuper de nous chaque après-midi. Ainsi, elle nous a fait découvrir la succession de cascade de Todoroki. Jolie endroit sacré, ou chaque année les moines rentrent dans la grotte de la dernière cascade pour prier. Etrangement les femmes ne sont pas autorisées. Même dans une des religions les plus ouvertes de la planète l’ouverture d’esprit, l’égalité entre les Hommes,… sont encore bien mises en avant ! Le lendemain, elle est allé avec Majna à un cours de Yoga et nous a déposé avec Andreas dans un superbe Onsen au milieu des montagnes et des forêts… Nous y sommes restés 3h !!
Puis le dernier week-end est arrivé. Majna, Andreas et moi partions tous les trois le lundi. Donc sans surprise, nous avons eu le droit à une belle soirée de départ avec Thé et petits gâteaux à volonté… Nous avons fini très heureux !
Ce mois à Ikumi fut superbe. Et j’ai découvert un peu après que cet endroit allait me manquer plus que je ne le pensais… Mais le rendez-vous fut donné avec Tomoya : je reviendrai, au pire, cet été pour apprendre à surfer, continuer les cours d’escalade et peut-être construire un pan d’escalade dans la maison !



Le lundi matin, après quelques au revoir et autre « take care », Tomoya me déposa près d’un parking sur la route 55 ; le meilleur endroit selon lui pour faire du stop en direction de Kochi. Mon objectif : faire du stop jusqu’à Kochi, puis continuer vers Sukumo en stop ou en train si personne ne veut de moi. Ce soir, mon ferry vers l’île de Kyushu part à 23h30 ! Armé de ma pancarte que Tomoya m’a écrite en Japonais, je tends le pouce, fais un beau sourire et regarde les voitures me dépasser… J’ai fait assez peu de stop dans ma vie. Je me rappelle particulièrement une journée de stop sous la pluie à Grenoble pour rejoindre le pied d’une grande voie où avec Sam nous avons « stoppé » pendant une heure peut-être devant l’entrée d’une voie rapide en se rendant compte un peu tard que ce n’était pas la bonne direction… Donc ce lundi à 8h du matin sur la route 55 de l’île de Shikoku, je tends mon bras et mon pouce. Au début un peu timide. Puis je prends de l’aisance, bombe le torse, souris de manière plus prononcé, insulte les voitures qui ne s’arrêtent pas (en français je prends peu de risque). Il y a en gros 4 types de voiture : les camions, les surfeurs dans leur van, les fermiers dans leur camionnette et les rares riches avec de bel voiture pleine de place… Au bout d’un quart d’heure, une jolie surfeuse s’arrête avec son van plein de planche de surf. Malheureusement, elle va à Ikumi… Puis, peu après un fermier, l’air bourru et pressé. Mais l’allure ne reflète pas toujours le cœur des gens. Encore une fois il ne va vraiment pas loin et je préfère rester à ma place. Puis une décapotable s’arrête sur le parking pour une pause toilette. Je me prends à imaginer aller à Kochi dans une décapotable, surtout que la journée est très belle… Et, ma chance refaisant surface, le propriétaire de cette Mazda roadster me fait signe : « kochi ? », « Aie » (oui en japonais), « ok ! ». Je n’en reviens pas ! J’attrape mon sac, puis mon deuxième sac, puis mon carton de tomates (que Tomoya m’a donné pour remercier les voitures qui me prendraient), et je cours vers la voiture. Le sac est trop gros pour le petit coffre…Mais c’est mal me connaître, je ne vais pas laisser passer l’occasion de voyager dans cette voiture ! Je force un peu avec ma délicatesse légendaire, et le tour est joué ! Me voilà donc dans cette Mazda bleue nuit, lunette de soleil, cheveux au vent, clope au bec (en plus le mec est fumeur..), roulant sur la route qui longe la superbe côté sur l’océan pacifique. Le bonheur ! La conversation s’engage. Shinji est sur l’île juste pour rouler et profiter de sa belle voiture. Il a pris le ferry ce matin pour Shikoku à 4h et veut faire le tour de de l’île en une ou deux journées… Discrètement je glisse que je vais jusqu’à Sukumo de l’autre côté de l’île. Il sort sa carte, regarde l’heure : « ok ! ». Donc ma journée auto-stop de Ikumi à Sukumo se résume à 25min d’attente sur un parking, puis 8h de ballade dans belle voiture décapotable… La classe ! Et maintenant je suis une star au japon (allez jeter un œil par ici et regardez les dernières photos)



La suite du voyage fut moins idyllique… Arrivée à Sukumo vers 16h30, j’ai 7h d’attente… Heureusement, je trouve une prise électrique qui me permet de regarder un film sur mon Pc. 23h30 j’embarque pour Saiki sur l’île de Kyushu. J’arrive à 2h30 du matin… Mon objectif était de dormir dans le port. Mais ce dernier ferme. Je me retrouve à 3h du matin au japon, chargé comme une mule, sous la pluie (annonçant la couleur pour la prochaine semaine), à marcher vers la gare espérant que cette dernière soit ouverte. Par chance ce fut le cas. Malheureusement, le prochain train pour Nobéoka est à 6h30… Je suis crevé, j’ai faim et froid. Je sors une deuxième paire de chaussette, mon duvet, je me blottis dans un coin et essaye de dormir. Je pense que j’ai pu entr’apercevoir ce que peuvent être les premières nuits dans la rue d’une personne fraîchement sans domicile. Tu te réveilles au moindre bruit. Je n’avais pas peur, mais j’avais honte. Vers 5h, un premier train arrive, trop honteux, je range en vitesse mon duvet, me lève, et fait comme si de rien était… C’est vraiment une étrange sensation. Puis heureusement, à 5h30 la salle (chauffée !) d’attente de la gare ouvre. Je ne me rappelle pas le trajet entre Saiki et Nobeoka, j’ai dormi tout du long… Puis toujours sous la pluie, 1h30 d’attente à Nobeoka, une heure de bus jusqu’à Takachiro, attente, bus jusqu’à Kawachi, attente, bus jusqu’à Tsuru ! Il est 14h20. J’ai voyagé plus de 30h dont la moitié à attendre. J’ai toujours aussi faim (j’ai mangé tout mes gâteaux et entamé le carton de tomate), je suis toujours aussi fatigué, il pleut toujours, j’ai froid, mais je suis arrivé ! 14h30 je vois arrivée la voiture que je devine être celle de Shu-san mon futur hôte.
Shu-san travaillait dans le médical à Tokyo avec sa femme, Hai-san, psychologue. Puis il y a deux ans, il a décidé de tout plaquer pour les montages de Aso. Il s’est lancé dans un projet un peu démesuré à mon avis, mais très beau. A côté de la maison de ses parents (eux aussi fraîchement débarque de Tokyo) il a acheté un grand terrain. L’objectif construire une petite green house, la maison familiale, deux guest houses pour accueillir des enfants handicapés, et démarrer quelques plantations ! Pour le moment Hai-san et Shu-san habite à 15min en vélo dans une ancienne école élémentaire. Ce coin de montagne que l’on appelait avant Okudari-Ginza en référence au quartier des affaires de Tokyo, a vu doucement sa population diminuer, puis il y a 17ans faute d’enfant, l’école a fermé. Maintenant, autour des anciennes salles de cours laissées à l’abandon, la famille habite l’ex maison du principal, et nous habitions une chambre aménagée dans l’ancien gymnase, le reste du gymnase servant d’établi, de range merde, de grange,…. Sur le parking, un préfabriqué sert de bureau à des ouvriers travaillant sur un chantier de barrage un peu plus loin.
Et dans ce beau bordel, il y a Tora (tigre en japonais), piupiu et les trois monstres : Got-chan(1ans), Ten-chan (3ans) et Mana-chan (5ans) !
Les premiers jours ont été un peu durs. Le froid, la pluie, les enfants qui crient, pleurent, court, sans s’arrêter, pendant le repas, au petit déjeuner,… et cela faisait un sacré contraste avec Ikumi et ne faisait qu’augmenter mes regrets d’avoir quitté Ikumi… Puis petit à petit tu t’habitue et tu comprends que c’est un cercle vicieux : tu n’es pas bien, donc pas très agréable, donc on t’accueille moyennement bien, donc c’est de pire en pire… Je me suis donc ressaisit et même si les enfants ont continué à me casser les oreilles, j’ai pu profiter des premiers jours de beau temps avec les sourires.



A merriemont (nom de l’endroit où Shu-san a commencé son grand projet), nous avions deux types de boulot : couper des arbres quand il pleuvait, et finir le toit de la green house quand le temps le permettait. Deux jobs bien intéressant, contrastant encore avec le travail à Ikumi mais cette fois-ci en bien ! Mais un autre problème m’est apparu. Shu-san réfléchit. Il réfléchit beaucoup. Ce qui fait qu’on attend beaucoup… Un peu trop… Mais on s’habitue à tout…
Donc après Tomoya le pauvre planteur de Tomates, j’étais chez la famille nature ! Chauffage au bois, vaisselle a l’eau chaude uniquement, toilette sèche (pour la grosse commission, pour pisser c’est n’importe où dehors !), un bain commun pour toute la famille (pas de douche), … Plutôt intéressant comme mode de vie. Et pour les enfants, c’est l’apprentissage par l’expérience, les parents se sont des casques bleus, jamais un mouvement ! Gotchan (1ans je le rappelle) monte sur la table et saute a 2 millimètres du coin de l’étagère, c’est pas grave, Mana-Chan frappe son frère, c’est pas grave, Tenchan balance le gros bus en bois dans le dos d’un wwoofer pendant le diner, c’est pas grave,… Je n’ai jamais entendu les parents élever la voie malgré toutes les conneries que les gamins faisaient… Hallucinant !
Malédiction ou hasard malsain, mardi dernier la grand-mère de Shu-san est morte. Il est donc allé à Tokyo pour l’enterrement. Et me revoilà, responsable du boulot ! Avec moi, il y avait Ochi-san un woofer japonais et Ik un woofer Thaïlandais. Je peux vous dire que sans Shu-san pour nous ralentir et réfléchir, on a sacrément bien bossé ! Ochi-san est un japonais caricatural. Il étudie le buisness, veut faire un MBA aux Etats-Unis, puis travailler dans une grosse compagnie pour faire « big big money » ! Et pourquoi ? Vers 40 ans il veut se retirer à la campagne et construire sa maison en bois ! Il veut aussi aller vivre en Alaska… Et à savoir s'il est bouddhiste, il répond plutôt Shintoïste mais parfois bouddhiste, ou chrétien, ça dépend... Ik lui a étudié la philosophie et l’économie à Londres puis a travaillé 3 ans en tant que traders sur les marchés mondiaux du sucre. Mais il paraît que le milieu se porte plutôt mal en ce moment, il est donc revenu faire un MBA à Bangkok.
Au final, le travail me plaisait bien, mais je me sentais pas très bien dans la vie quotidienne, et après quelques jours de beau temps la pluie allait revenir, j’ai donc décidé de partir vendredi dernier.
Et me revoilà dans les transports en direction de la ville d’Aso. J’espérais pouvoir y passer une journée et faire une belle randonnée de 5h dans autour de cette fameuse caldeira, mais le temps n’en avait pas décidé ainsi. Le vendredi le sommet était fermé à cause du vent et il n’annonçait rien de très encourageant pour le samedi. J’ai donc poussé directement jusqu’à Beppu sur la côte. Beppu est une petite ville pleine d’un charme simple où on s’y sent vite bien. J’ai trouvé un bonne guest house pas cher avec Internet et café à volonté ! Et après 2 mois à manger bio végétarien, je n’ai pu m’empêcher d’aller manger à Mc Do, que du bonheur ! La curiosité de Beppu est sont activité thermale. En plus des nombreux Onsen, on peut y prendre des bains de sable chaud. C’est au début un peu perturbant d’être totalement coincé sous plusieurs kilogrammes de sable, mais c’est vite très agréable et après la longue marche de trois heures pour aller voire les fameux enfers de beppu ce fut une renaissance… En effet, le matin je m’étais décidé de passer au port pour réserver mon ticket de ferry pour le soir même en direction d’Osaka, puis de monté sur les hauteurs de Beppu à pied (car j’aime marché et que je suis radin), pour visiter les enfers de Beppu ! « Les principales curiosités de Beppu sont les enfers, une série de sources chaudes où l’eau émerge du sol en gros bouillonnements, souvent avec des effets inattendus » selon le Lonely Planet. Quelle déception... C’est naze ! Mais vraiment naze ! Je n’ai pas d’autres commentaires et je vous laisse regarder les 2 photos… Puis le soir, comme prévu, je pris le large pour 11h de ferry en direction d’Osaka.



Mon retour à Osaka a commencé plutôt rapidement. Dès le dimanche nous sommes allé voir un match de Volley-ball professionnel avec ses supporters idiots, ses joueurs blessés et ses sponsors omni présent… Puis nous sommes aller dîner à Osaka avec des amis à Midori et nous avons, encore une fois, fini très très heureux… Je me suis retrouvé dans une situation que j’avais déjà connue au Laos. Un ami de Midori était allé en Thaïlande et me raconte qu’il y a beaucoup de jeunes filles dans les bars. J’enchaîne sur le couplet « la prostitution est gros problème en Thaïlande,.. » et je réalise que pour lui ce n’était pas un problème du tout… Il a 26 ans, est professeur d’anglais, plutôt cultivé, très gentil,… incompréhension totale des deux côtés… on change de sujet.


Les deux dernières photos sont des vidéos, cliquez sur l'image pour les visionner




Cela fait du bien de retrouver une maison où il ne fait pas 5°C, où les chauffages fonctionnent, où tu fais la vaisselle avec de l’eau chaude,… et retrouver la ville, l’agitation, le monde… Cette semaine je veux glander et aller au cinéma ! Tout ceci va sûrement vite m’ennuyer, mais en ce moment, c’est fort agéable.
Bien que je me force à apprendre le japonais tous les jours (ou presque), je ne suis pas prêt de tenir une conversation. C’est une des langues les plus « stupides » que je connaisse ! Premièrement, elle laisse tellement la place à l’interprétation que même entre eux il ne se comprenne pas toujours. Deuxièmement, l’écriture est tellement compliquée, que la plupart des japonais ne peuvent pas lire tous les caractères. Un matin, Tomoya prend le journal, commence à lire un article, puis, car il y a trop de Kanji (ces fameux caractères chinois), il renonce… De même, leur premier ministre se fait régulièrement ridiculiser car il fait des erreurs en lisant des discours se trompant de prononciation sur certains Kanji…
Par contre, il ne sait peut-être pas lire les Kanji, mais leur premier ministre, Taro Aso, est bien généreux. Il a accordé cette année 12000Yen à toutes les personnes domiciliées Japon. Dont je fais parti depuis Janvier ! Je devrai donc recevoir près de 100euros de la part du gouvernement Japonais ! En effet, je suis allé m’inscrire à la mairie de Neyagawa (où habite Midori) en bon citoyen. Chose bien étonnante, au bureau d’enregistrement des étrangers personne ne parle le moindre mot d’anglais… Je ne sais pas comment ça se passe en France, mais je trouve ça d’une absurdité des plus profonde !
Toujours sur la politique, vous avez peut-être vu la vidéo du ministre de l’économie dont je vous parlais dans mon dernier post. Sachez qu’il a démissionné ! Et quand je parle de l’épisode Nico à son premier G8, les japonais ont du mal à comprendre comment il a pu garder son poste…
Cela va faire deux mois que je suis parti. J’ai déjà des souvenirs plein la tête, j’ai appris des choses aussi différentes que cultiver des tomates, utiliser une tronçonneuse, préparer le Miso, j’ai perdu 2 kilos, j’ai fait des dizaines de rencontre, … je suis vraiment heureux de la tournure de ce voyage et j’espère bien continuer sur cette voie ! Je suis sûrement bien loin de ma liberté tellement souhaitée, mais en tout cas je pense être sur le bon chemin… On ne se rend pas compte à quel point le temps nous manque dans nos vies quotidiennes et à quel point il est important pour se construire, pour laisser son esprit suivre ses questionnements et essayer d’y apporter des réponses.
Je vais passer une petite semaine chez les Kujime en attendant ma mère qui arrive pour 2 semaines lundi prochain. Une semaine de calme, de repos, de lessive, de bonne bouffe, de réponses aux mails,… et surtout une semaine pour trouver mon prochain hôte pour mi-avril… Un centre équestre ? Une île de l’extrême sud ? Une ferme dans l’ouest du Honshu ? On verra bien…